La culture est l’âme de la capoeira.
Elle relie le passé et le présent, en portant l’histoire, les traditions et les valeurs de cet art.
À travers ses origines, ses symboles et ses figures marquantes, nous découvrons ce qui fait la richesse et l’identité de la capoeira.
Comprendre la culture, c’est pratiquer avec plus de sens et de conscience.
L’histoire de la capoeira reste difficile à retracer avec précision, car elle s’est longtemps transmise sans écrits. Les sources sont fragmentées, souvent mêlées à la mémoire orale et aux récits populaires. Pourtant, en parcourant les recherches et témoignages disponibles, une chose apparaît clairement : la capoeira est née comme un art destiné à rassembler les gens.
Dans le contexte de l’esclavage au Brésil, les Africains déportés provenaient de régions, de cultures et de langues très diverses. Les maîtres de plantations cherchaient à accentuer cette division en séparant volontairement ceux qui partageaient une même langue ou des origines communes, afin d’éviter toute révolte organisée. C’est dans ces conditions que la capoeira a émergé, comme une forme de résistance culturelle.
Mêlant des rituels, des chants et des rythmes venus d’Afrique à une créativité nouvelle née sur le sol brésilien, elle a permis de recréer du lien entre des hommes et des femmes qui, a priori, n’avaient plus de repères communs. La musique et le langage du corps, universels, ont transcendé les barrières linguistiques et offert un espace d’unité.
Ainsi, au-delà de la lutte et du jeu, la capoeira s’est affirmée comme un art de survie, mais surtout comme un art de la rencontre, capable de maintenir la dignité, l’identité et la solidarité dans les conditions de vie les plus dures.
Aujourd’hui, de nombreux chercheurs et capoeiristes s’accordent à dire que les quilombos ont joué un rôle essentiel dans la création et le développement de la capoeira. Sur les plantations, les Africains réduits en esclavage étaient constamment surveillés et privés de toute liberté d’organisation. Dans ces conditions de contrôle extrême, il était difficile de pratiquer ou de développer une forme collective de résistance culturelle.
Les quilombos, en revanche, représentaient un espace de liberté. Ces communautés, fondées par des esclaves en fuite, accueillaient aussi bien des Africains que des autochtones et parfois même des Européens marginalisés. On y retrouvait un mélange de cultures, de traditions et de savoirs, qui permettait de recréer une vie sociale loin de l’oppression coloniale.
C’est dans ce contexte que la capoeira a pu se renforcer : en tant que pratique martiale, mais aussi en tant que rituel musical et social. Dans ces grands espaces de rassemblement, les fugitifs pouvaient partager leur héritage, inventer de nouvelles formes d’expression et transmettre la capoeira comme symbole de résistance et de cohésion.
Ainsi, les quilombos ne furent pas seulement des lieux de refuge, mais aussi de création et de transmission. Ils témoignent de la capacité des peuples opprimés à reconstruire une identité collective et à inventer des formes d’unité, dont la capoeira reste aujourd’hui l’une des expressions les plus vivantes.
Après son développement dans les quilombos et dans les communautés noires affranchies, la capoeira est restée longtemps marginalisée. Au XIXe siècle, elle était perçue comme une pratique dangereuse, associée à la violence, à la rue et aux révoltes. Les autorités coloniales et, plus tard, l’État brésilien ont vu en elle une menace à l’ordre établi. La capoeira a alors été interdite et criminalisée : ceux qui la pratiquaient risquaient prison, châtiments corporels et stigmatisation.
Pourtant, malgré la répression, la capoeira n’a jamais disparu. Elle a survécu grâce à sa pratique clandestine, dans les quartiers populaires, dissimulée sous forme de danse ou de fête pour échapper aux contrôles. Cette résistance silencieuse a permis de préserver son essence, à la fois ludique et combative.
Au début du XXe siècle, la capoeira a progressivement changé de statut. Des maîtres visionnaires, en particulier à Salvador de Bahia, ont contribué à l’organiser, à la codifier et à la présenter comme une pratique culturelle digne de reconnaissance. De la rue aux académies, elle a commencé à être vue non plus comme une menace, mais comme un art national, reflet de l’histoire et de la diversité du peuple brésilien.
Aujourd’hui, ce parcours, de la clandestinité à la reconnaissance, reste au cœur de l’identité de la capoeira : un art né de la résistance, qui a traversé l’oppression pour devenir un symbole de liberté et de culture.
Le passage de la rue aux académies marque une étape décisive dans l’histoire de la capoeira. Au début du XXe siècle, certains maîtres ont pris le risque d’enseigner ouvertement et de donner à la capoeira une structure pédagogique. Parmi eux, Mestre Bimba et Mestre Pastinha sont devenus des figures emblématiques.
Mestre Bimba a développé la capoeira regional, une approche plus martiale et organisée, qui a permis de légitimer la pratique aux yeux des autorités. En ouvrant sa première académie reconnue officiellement dans les années 1930, il a contribué à sortir la capoeira de la clandestinité et à la présenter comme une discipline éducative et sportive.
De son côté, Mestre Pastinha a défendu la capoeira angola, plus ancrée dans les traditions afro-brésiliennes, avec une dimension rituelle, philosophique et culturelle. En fondant son académie, il a offert un espace de préservation et de transmission de cette capoeira originelle.
Grâce à eux, et à d’autres maîtres moins connus mais tout aussi essentiels, la capoeira s’est implantée dans la société brésilienne. Elle a pu être transmise de génération en génération, tout en gardant vivante sa double essence : art de combat et expression culturelle.
Après avoir longtemps été persécutée puis organisée par les premiers maîtres, la capoeira a peu à peu trouvé sa place au cœur de la société brésilienne. Elle est devenue un symbole de l’histoire du pays, à la fois douloureuse et créative, car elle porte en elle la mémoire de l’esclavage mais aussi la force de la résistance et de la liberté.
Dans les années 1970 et 1980, la capoeira s’est diffusée au-delà du Brésil, portée par des maîtres qui l’ont fait découvrir en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique et dans de nombreux autres pays. Elle est alors devenue un langage universel, capable de rassembler des personnes de toutes origines autour de la musique, du mouvement et du jeu.
Aujourd’hui, la capoeira est reconnue comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Elle est pratiquée dans le monde entier, non seulement comme un art martial ou une danse, mais aussi comme un outil pédagogique, social et identitaire. Elle incarne la diversité culturelle du Brésil et témoigne de la capacité des peuples à transformer la souffrance en création, et l’oppression en liberté.